Des propositions pour accroître l’utilisation des médicaments biosimilaires, dans le cadre de la concertation initiée par le ministère de la Santé et de la Prévention

Paris, le 14 juin 2023

Jeudi 8 juin, la Direction de la sécurité sociale (DSS) organisait un comité de pilotage dont l’un des principaux objectifs était de faire le point sur la pénétration des médicaments biosimilaires et de consulter les différentes parties prenantes en vue d’envisager des mesures pour accélérer cette pénétration. Le think tank Biosimilaires se félicite de l’invitation de l’ensemble des parties prenantes et de ce cadre de concertation mis en place par le ministère de la Santé et de la Prévention. Il note qu’aucune décision n’a pour l’heure été prise et se réjouit de participer à de futurs échanges dans le cadre de ce comité de pilotage qui devrait permettre de dégager des décisions communes.

À cette occasion, le think tank Biosimilaires souhaite partager son analyse et formuler des propositions pour accroître l’utilisation des médicaments biosimilaires, qui sont une opportunité pour rendre plus efficient notre système de santé, tout en assurant la confiance des parties prenantes, en premier lieu les patients. Dans ses propositions, le think tank biosimilaires met en avant la nécessité d’une approche différenciée, par catégorie de médicaments biosimilaires. Il propose notamment de renforcer le modèle existant de développement des médicaments biosimilaires, en pérennisant le modèle de l’interchangeabilité sur la base de la décision médicale partagée et en renforçant les incitations à la prescription des médicaments biosimilaires en ville et à l’hôpital. Ce modèle permettra d’atteindre l’objectif fixé par le ministère de la Santé et de la Prévention d’un taux de pénétration des médicaments biosimilaires de 80 %.

Les propositions du think tank Biosimilaires

Une approche différenciée, médicament biosimilaire par médicament biosimilaire, est indispensable pour prendre en compte toute leur complexité : il n’existe pas de solution « toute faite » permettant la réalisation de millions d’euros des économies supplémentaires à court terme. Une analyse fine, différenciée, par catégorie de prescripteur, devant aller jusqu’au cas par cas, est nécessaire.

  • Proposition 1 : Pour les médicaments biosimilaires prescrits par des médecins spécialistes, renforcer le modèle existant de développement des médicaments biosimilaires, en pérennisant l’interchangeabilité et en généralisant et en renforçant les incitations à la prescription des biosimilaires en ville et à l’hôpital
  • Proposition 2 : Améliorer l’information et l’accompagnement sur les médicaments biosimilaires pour les professionnels de santé et les patients, notamment en subordonnant la prescription et la dispensation d’un médicament biologique ou biosimilaire à la réalisation d’une action d’accompagnement rémunérée
  • Proposition 3 : Si la substitution des médicaments biosimilaires pouvant être prescrits par les médecins généralistes était envisagée, en dehors des maladies chroniques, cette dernière devrait s’établir dans un cadre strict, avec des critères clairs, lisibles et prévisibles, déterminés en accord avec les associations de patients et les sociétés savantes

Les médicaments biosimilaires sont une solution thérapeutique très spécifique qui ne peut pas être comparée aux médicaments génériques

  • Les médicaments biosimilaires, comme les médicaments biologiques de référence, sont très majoritairement utilisés dans des pathologies chroniques, évolutives, invalidantes. Ils constituent souvent la dernière ligne de traitement pour des patients ayant dû faire face à l’échec des traitements de premières ou deuxièmes lignes. Dans ce contexte, la décision médicale partagée, corrélée à une information claire, compréhensible, est le fondement incontournable de la confiance accordée par les patients à leurs professionnels de santé, au choix thérapeutique d’un médicament biosimilaire et conditionne l’observance.
  • Les médicaments biosimilaires sont tous des médicaments injectables, pour lesquels les dispositifs d’injection diffèrent d’un médicament à l’autre, permettant au patient de choisir, en concertation avec son médecin, celui qui est le plus adapté à sa situation et à sa maladie, notamment lorsqu’elle se manifeste par un symptôme invalidant, tel que la déformation des articulations des doigts ou la spasticité, par exemple.
  • L’information des patients nécessite du temps au regard du profil des malades et de la complexité des médicaments biologiques et biosimilaires, sous-entendant une rémunération du temps passé. En outre, une utilisation accrue des médicaments biosimilaires suppose une information et une formation de l’ensemble des professionnels de santé (médecin, pharmacien, infirmier). Elle suppose également une bonne coordination entre professionnels de santé, essentielle pour assurer la circulation de l’information entre professionnels et pour renforcer la qualité de la prise en charge des patients.
  • Les médicaments biosimilaires nécessitent que la traçabilité du médicament (nom et numéro de lot du produit) soit parfaitement assurée.

Grâce aux mesures d’accompagnement d’ores et déjà mises en place, le taux de pénétration des médicaments biosimilaires connaît une dynamique positive qui va permettre d’atteindre l’objectif de 80 % à court terme

Le modèle de prescription/dispensation actuel a montré sa capacité à générer des économies et permet une forte dynamique de l’utilisation des médicaments biosimilaires. Le principe général de ce modèle est celui de l’interchangeabilité sur la base de la décision médicale partagée, c’est-à-dire la décision conjointe entre le prescripteur et le malade de passer du médicament biologique de référence au médicament biosimilaire ou d’un médicament biosimilaire à un autre :

  • d’après les données d’IQVIA[1], en 12 ans (2010 à 2022), 3,8 Md€ d’économies ont été réalisées en France grâce aux médicaments biosimilaires
  • pour la délivrance intra-hospitalière, l’objectif de 80 % de pénétration des biosimilaires est atteint[2], validant le modèle d’interchangeabilité, associé aux incitations, existant dans les appels d’offres (écart médicament indemnisable – EMI) et aux incitations à la prescription (CAQES)
  • pour la délivrance en ville, la pénétration moyenne des médicaments biosimilaires prescrits par les médecins spécialistes est en croissance et atteignait 63 % fin 2021 puis 71 % fin 2022[3] ; l’objectif de pénétration de 80 % pourrait être atteint dès cette année
  • la hausse de la pénétration des médicaments biosimilaires prescrits par les spécialistes en initiation de traitement (80 % d’initiations avec un biosimilaire fin 2021[4]) valide le modèle de l’interchangeabilité
  • la pénétration moyenne des médicaments biosimilaires pouvant être prescrits par les médecins généralistes atteignait 15 % fin 2021[5], mettant en avant la nécessité d’accompagner plus énergiquement cette catégorie de prescripteurs.

La substitution des médicaments biosimilaires est une fausse bonne idée, qu’elle soit réalisée en initiation ou en cours de traitement

Autorisée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et possible pour deux groupes biosimilaires (filgrastim et pegfilgrastim), la substitution n’a pas montré une augmentation significative des taux de pénétration de ces médicaments biosimilaires. Elle a au contraire montré une augmentation de la substitution entre médicaments biosimilaires, sans aucun effet économique, mais avec un impact pour les patients.

Au-delà de ce pilote, l’histoire de la substitution, appliquée en France aux médicaments génériques, nous apprend que son impact sur le taux de pénétration est à nuancer : il a fallu 20 ans pour arriver à un taux de pénétration des médicaments génériques de 80 % et ce n’est pas la substitution seule qui a permis l’augmentation du taux de pénétration mais une succession de mesures plus contraignantes pour les assurés sociaux qui ont joué un rôle décisif.

Après les 13 premières années de mise en œuvre de la substitution (entre 1999 et 2012), le taux de pénétration des médicaments génériques était seulement de 66 %. En 2012, la mise en place du tiers payant contre génériques (TPCG) a permis une augmentation de 11 points de pénétration en 1 an, jusqu’à 77 %. Entre 2013 et 2019 une fois l’impact du TPCG terminé, le taux de pénétration a augmenté de 4 points en 7 ans, jusqu’à 81 %. Enfin, en 2020, le dispositif de baisse de remboursement du princeps a permis une accélération du taux de pénétration (+3 points de pénétration en 1 an) pour atteindre un taux de 85 % en 2022.

Introduire la substitution des médicaments biologiques uniquement en primo-prescription reste aussi une fausse bonne idée

La substitution en primo-prescription des médicaments biologiques ou biosimilaires peut avoir un impact négatif pour les patients et n’a pas nécessairement d’impact pour les comptes publics :

  • elle est contraire au principe de décision médicale partagée et renvoie à un choix exclusivement guidé par des intérêts économiques, sans prise en compte de la situation propre à chaque malade
  • elle rend caduque toutes les actions d’information et d’accompagnement, pouvant conduire à une absence d’information et d’apprentissage par le patient de l’utilisation du dispositif d’injection
  • les conditions d’information entre professionnels de santé ne permettent pas de l’envisager, en l’absence de généralisation de l’utilisation de Mon espace santé
  • elle ne respecte pas les conditions fixées par l’ANSM dans son état des lieux de 2022 sur les médicaments biosimilaires, prévoyant une évaluation du circuit de prescription et de dispensation des deux groupes biosimilaires dont la substitution est autorisée
  • elle serait sans impact sur les comptes publics car la très grande majorité des initiations de médicaments biologiques sont aujourd’hui effectuées avec des médicaments biosimilaires
  • introduite par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2014, elle a été abrogée par la LFSS 2020 parce que non « opérationnalisable ».

Enfin, les éléments de comparaison internationale méritent d’être pris en considération. En août 2022, l’Allemagne, après trois ans de discussions et d’échanges avec les parties prenantes, a reporté la substitution des médicaments biosimilaires, en limitant drastiquement son champ d’application futur. Le ministre allemand de la santé, Karl Lauterbach, a lui-même affirmé : « une plus grande confiance peut être établie si la décision est prise en dernier ressort par les prescripteurs »[6].

Le PDF de ce communiqué de presse est disponible sur notre site internet.

Un colloque dédié aux enjeux des médicaments biosimilaires

Mercredi 28 juin de 8h30 à 10h30, le think tank Biosimilaires organisera un colloque en ligne « De la confiance des patients à la soutenabilité du modèle des biosimilaires ».

Ce colloque, ouvert à la presse, a pour ambition d’identifier les solutions permettant de renforcer l’utilisation des médicaments biosimilaires tout en garantissant la confiance des patients. Il a ainsi pour objectifs de :

  • faire un état des lieux de la législation et de la réglementation autour des médicaments biosimilaires
  • analyser les points techniques propres à ces médicaments ayant fait l’objet de discussions ces dernières années
  • présenter des données médico-économiques démontrant l’efficience du modèle existant des médicaments biosimilaires
  • recueillir le témoignage d’associations qui accompagnent au quotidien des malades atteints par les maladies traitées par des médicaments biologiques et biosimilaires
  • identifier l’ensemble des voies permettant de garantir la confiance entre les malades, leurs médicaments biologiques et biosimilaires et leurs professionnels de santé.

[1] IQVIA pour Sandoz, avril 2023

[2] Données GERS, 2022

[3] Données GERS, 2022

[4] Données GERS, 2022

[5] Données GERS, 2022

[6] Automatische Substitution: Lauterbach zweifelt an Biosimilar-Austausch in Apotheken (deutsche-apotheker-zeitung.de)

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