Le 6 février 2018, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec Julie Maréchal-Jamil, directrice biosimilar policy & science de Medicines for Europe.
Chez nos voisins européens, les approches des biosimilaires sont variées. Selon les pays, quelles démarches ont permis le développement d’un modèle biosimilaire équilibré ? S’agit-il d’actions d’information, d’incitations économiques ou d’autres interventions ?
En ce qui concerne l’utilisation des médicaments biosimilaires en Europe, la bonne nouvelle est que tous les pays européens utilisent les médicaments biosimilaires.
Il n’y a de fait pas un, mais plusieurs systèmes qui fonctionnent. Tous ne sont pas encore équilibrés et les acteurs, y compris politiques, en prennent peu à peu conscience.
Les systèmes qui fonctionnent ont en commun les éléments suivants :
1) Une approche impliquant tous les acteurs du système de santé, du fabricant au patient ; tant au niveau de l’information, de l’éducation que de l’établissement du cadre politique.
2) Une ambition de politique de santé claire, comportant une série de mesures, et accompagnée d’un plan de mise en œuvre tout aussi clair.
3) Une confiance dans le système européen d’octroi des autorisations de mise sur le marché des médicaments.
4) Une position claire des autorités de santé (dont les agences du médicament), une révision dynamique du rapport coût-efficience d’un médicament à l’arrivée des médicaments biosimilaires et des lignes directrices cliniques dans les aires thérapeutiques concernées.
5) L’établissement d’un cadre facilitant le ‘benefit-sharing’, c’est-à-dire un système permettant la répartition concrète des bénéfices pour chacun des acteurs du système de santé, et en particulier, pour les régions, les hôpitaux, les médecins spécialistes, les patients, la possibilité de réinvestir les économies réalisées pour l’acquisition de médicaments plus onéreux, l’accès au traitement plus tôt, l’acquisition de matériel, l’investissement dans les infrastructures, le personnel soignant et la formation.
Quels freins à l’émergence des biosimilaires ont été identifiés ?
Il existe de multiples freins à l’utilisation des médicaments biosimilaires.
Le frein principal relève d’une méconnaissance des médicaments biologiques et de fait, l’arrivée de médicaments biosimilaires a mis en exergue un certain nombre de concepts scientifiques jusque-là inconnus, mais pour autant utilisés au quotidien. L’information en tant que telle ne manque pas ; les efforts nécessaires consistent à rendre l’information officielle (légitime) disponible facilement pour tous les publics. Les professionnels de santé sont en premières ligne en ce qui concerne l’information des patients et les initiatives qui visent à aider le dialogue personnel de santé-patient de façon pratique et non-théorique ont rencontré un grand enthousiasme là où ils ont été mis en place.
Il n’y a par ailleurs pas de ‘recette miracle’ pour accompagner l’entrée des médicaments biosimilaires dans la pratique clinique, et certaines discussions théoriques ont parfois eu raison de la perspective de mise en œuvre.
Un dernier frein, et non des moindres, c’est effectivement le passage à l’action. Les systèmes qui fonctionnent ont tous en commun la mise en œuvre de plusieurs mesures sur une période donnée, soit au niveau national, soit au niveau local.
Enfin, il est important de rappeler que le rôle des médicaments biosimilaires s’inscrit dans un cercle vertueux d’innovation en mode monopole suivi d’accès pour le plus grand nombre après que l’innovation soit tombée dans le domaine public (et compétition entre plusieurs acteurs). Le système est en construction, les fondations sont là. Toutes les politiques pour être pérennes, doivent impérativement intégrer le moyen et long termes, même lorsque les dynamiques budgétaires sont établies à court-terme. Une équation délicate mais tellement essentielle à l’équilibre du système.
Quel rôle les différents acteurs ont-ils joué dans ces pays, en particulier les associations de patients et les professionnels de santé ? L’industrie pharmaceutique a-t-elle un rôle à jouer ? Lequel ?
Les professionnels de santé et associations de patients ont fait partie des discussions et initiatives d’information sur l’arrivée des médicaments biosimilaires comme alternative thérapeutique aux médicaments de référence. Dans certains pays, ils ont par ailleurs pris part à des instances décisionnelles sur la politique d’utilisation et sa mise en œuvre, au même titre que les autres acteurs du système.
Toute une information et une éducation sur les médicaments biologiques et leur fondements scientifiques est à faire, avant de pouvoir expliquer le concept de biosimilarité. La bonne nouvelle c’est que l’Europe à + de 35 ans d’expérience.
Les contrats d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (CAQES), contrats tripartites entre l’Assurance maladie, les agences régionales de santé et les établissements de santé, sont applicables en France depuis le 1er janvier 2018. Ces CAQES portent sur les produits de santé, comme par exemple l’amélioration et la sécurisation de la prise en charge, avec des intéressements/sanctions aux établissements sur certains indicateurs. Étendre le dispositif d’intéressement sur des objectifs de prescriptions de biosimilaires serait-il pertinent ? Avec quel fléchage de ces crédits ?
Tout système qui prend en compte de façon dynamique et prospective (arrivée future de versions biosimilaires) l’évolution du coût d’un traitement avec un impact direct sur les acteurs du système de santé est bienvenu pour autant que tous ces acteurs soient parties prenantes.
Un tel dispositif de maîtrise médicalisée ne fait-il pas courir le risque de ne pas considérer les besoins et les attentes des patients ?
Les systèmes de ‘benefit-sharing’ et la perspective de réinvestissement sont forcément bénéfique, à partir du moment où les économies réalisées sur le coût d’acquisition de certains médicaments sont réutilisées là où ça compte pour les patients et les soignants. La promesse des médicaments biosimilaires est là.