Médicaments biosimilaires : la grande concertation déconcerte les acteurs

Paris, le 14 avril 2022

L’arrêté pris en application de l’article de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 autorisant sous conditions la substitution des médicaments biosimilaires a été publié aujourd’hui au Journal Officiel. Cet arrêté liste deux groupes biosimilaires devenant substituables : le filgrastim et le pegfilgrastim. Le think tank Biosimilaires, qui rassemble entreprises et associations de patients concernées par les biosimilaires, est surpris par cet arrêté publié en dehors du cadre de la concertation mise en place en 2021 par les pouvoirs publics, et qui cible des molécules déjà très largement interchangées.

Alors qu’en 2021, le ministère des Solidarités et de la Santé a réuni à plusieurs reprises un groupe de travail sur les médicaments biosimilaires rassemblant l’ensemble des parties prenantes (patients, médecins, pharmaciens, industriels, pouvoirs publics), l’arrêté publié ce jour comporte plusieurs éléments non abordés pendant ces discussions. L’objectif de ce groupe de travail était d’étudier la faisabilité d’une mise en œuvre de la substitution officinale des médicaments biosimilaires. Le think tank Biosimilaires, qui a participé à ces travaux, a accueilli très favorablement cette méthode de concertation et d’échanges.

Un décalage entre méthode de concertation et décisions actées

Le ministère s’est engagé à respecter la méthode de concertation à chacune des étapes de la discussion, pour chacune des molécules concernées. C’est pourquoi nous sommes étonnés qu’une nouvelle molécule, le filgrastim, ait été ajoutée à la liste des groupes de médicaments biosimilaires devenant substituables. Toutes les parties prenantes n’ont pas été consultées, dans un contexte où le filgrastim n’a pas été évoqué, ni lors des échanges du groupe de travail, ni dans l’étude d’impact du PLFSS 2022, ni dans le rapport charges et produits de l’Assurance maladie. Le think tank Biosimilaires est donc surpris de cette méthode, en contradiction avec la démarche de concertation toujours mise en avant par le ministère.

Au cœur de l’évaluation : la demande de publication des critères retenus pour la substitution

Lors des discussions, le think tank Biosimilaires a toujours été ouvert à un accord sous certaines conditions : la consultation des associations de patients et des sociétés savantes, la publication des critères retenus pour la substitution, ainsi qu’une évaluation de cette phase pilote avant toute extension à de nouvelles molécules. Au jour de la publication de l’arrêté, ces conditions valent toujours. Nous continuons à demander de la visibilité et de la prévisibilité. Sans critères ni respect de la méthode de concertation, ces dernières ne peuvent s’instaurer.

Ainsi que le prévoit la LFSS 2022, l’ANSM est chargée de déterminer la liste des groupes biosimilaires substituables. Les critères qui devaient être retenus pour établir cette liste devaient être publiés à l’automne dans un rapport de l’ANSM. En l’absence de publication de ce rapport, aucune transparence n’est faite sur les critères de substitution des médicaments biosimilaires ni sur les conditions de cette substitution, laissant place à l’arbitraire, alors que la confiance de toutes les parties prenantes était jusqu’ici acquise.

Le taux de pénétration des médicaments biosimilaires non pris en compte

Le taux de pénétration des médicaments biosimilaires du filgrastim avoisine les 95 %, celui du pegfilgrastim les 75 %. L’étude d’impact réalisée en vue de la discussion du PLFSS par les parlementaires précise clairement l’un des objectifs de cette substitution : cibler les biosimilaires pour lesquels le taux de pénétration est à minima 10 points sous la cible des 80 %. Rendre substituable le filgrastim et le pegfilgrastim n’a donc aucun intérêt du point de vue des dépenses d’assurance maladie. Le critère du taux de pénétration n’a manifestement pas été utilisé pour choisir les molécules devenant substituables : les membres du think tank Biosimilaires ne comprennent ni la démarche ni les objectifs.

Le think tank Biosimilaires souhaite donc :

  • la reprise de la concertation entre le ministère et l’ensemble des acteurs
  • la publication des critères déterminant la substitution des médicaments biosimilaires
  • la publication du rapport de l’ANSM sur les médicaments biosimilaires.

Des positions engagées en faveur de la décision médicale partagée et alignées avec les objectifs de santé publique

Le think tank Biosimilaires souhaite rappeler son engagement en faveur des médicaments biosimilaires et en faveur de la santé publique :

  • l’utilisation des médicaments biosimilaires, quel que soit le mode de délivrance de ces derniers, doit avant tout respecter l’intérêt du patient : nous en faisons un principe cardinal
  • la décision médicale partagée entre le médecin et le patient doit rester le cadre principal permettant le passage d’un médicament biologique de référence à un médicament biosimilaire
  • l’interprofessionnalité est indispensable à la qualité de l’accompagnement des malades utilisant des médicaments biologiques ; chaque professionnel de santé (médecins, pharmaciens, infirmiers) a un rôle important à jouer dans la prescription, la dispensation et l’apprentissage par les patients des dispositifs médicaux accompagnant les médicaments biosimilaires
  • les dispositifs médicaux accompagnant les médicaments biosimilaires et permettant leur injection diffèrent d’un biosimilaire à l’autre ; pour cette raison, le think tank Biosimilaires considère que la similarité doit s’entendre au regard de l’association dispositif d’injection / médicament
  • la stabilité des règles est nécessaire à la pérennité des biosimilaires : avec les dispositifs prévalant jusqu’à la publication de l’arrêté, les taux de pénétration restent dans la moyenne européenne (par exemple : filgrastim 95 % en France, 95 % en Europe ; pegfilgrastim 75 % en France, 65 % en Europe ; somatropine 40 % en France, 55 % en Europe)
  • les expérimentations d’incitations financières dites « article 51 » visant à renforcer la prescription hospitalière des médicaments biosimilaires délivrés en ville ont fait leur preuve et doivent être étendues, simplifiées et pérennisées.

À propos du think tank Biosimilaires

Groupe de réflexion créé en 2018, le think tank Biosimilaires rassemble une pluralité d’acteurs de santé en lien avec les médicaments biosimilaires. Il a pour vocation d’aborder les enjeux sociétaux, scientifiques et médicaux liés aux médicaments biosimilaires et notamment ceux liés à la prise en charge des malades et à leurs parcours de santé.

Il est composé d’Accord Healthcare, l’AFA Crohn RCH France, Amgen, l’Association France Spondyloarthrites (AFS), l’Association française du lupus et autres maladies auto-immunes (AFL+), l’Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde (ANDAR), Biogen, la Fédération française des diabétiques (FFD), France psoriasis, Sandoz et SEP’Avenir, nile, agence conseil en affaires publiques dédiée aux acteurs de santé, en assure le secrétariat général.

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